Rencontre • L’emploi est mort, vive le travail !
Le travail est l’expression d’un savoir
La société de demain sera obligatoirement une société du savoir
Introduction au débat du 1er décembre par Natacha Seignolles.
Quand j’ai évoqué cette rencontre avec Ariel Kyrou, le 13 novembre 2015 n’avait pas eu lieu, elle prend donc une nouvelle résonance.
J’ai proposé d’organiser cette rencontre avec Ariel car cet entretien avec le philosophe Bernard Stiegler « l’emploi est mort vive le travail » résonne avec de nombreuses questions qui se posent aujourd’hui.
Stiegler est un penseur nécessaire comme peut l’être aussi Bruno Latour.
Sa pensée est complexe, et j’ai trouvé que l’entretien mené par Ariel était remarquable de clarté. Et qu’il ouvrait aussi vers des solutions qu’il me semblait intéressant de partager avec vous tous, acteurs de cette transformation.
J’ai aussi noté dans la plupart des discours de nos politiques, qu’ils soient de gauche ou de droite, l’utilisation du mot emploi qui me pose un vrai problème. Il y a dans ce mot emploi la notion d’employabilité qui nie la singularité de l’individu et réduit le travail à une charge récompensée par un salaire.
Je défends le mot travail car il est enrichi de sa dimension intellectuelle, et correspond à un réel épanouissement de l’individu. Ce mot travail représente aussi le travail des artistes et artisans. Nous sommes quelques-uns ici à nous sentir artisans dans notre façon d’aborder le travail.
Ce soir nous allons débattre de plusieurs points.
Nous allons peut-être être provocateurs en affirmant que le solutionnisme technologique (expression de Evgeny Morozov, auteur et chercheur) n’est pas le nouvel eldorado, le « guérisseur » et j’emploie ce mot à dessein, de tous nos mots contemporains.
N’a t’on rien d’autre à proposer ?
Quel rôle pour ces nouveaux acteurs que sont les coopératives comme Coopaname, ces lieux de co-working comme CASACO. Et quel regard les grands groupes portent-ils sur ces nouveaux modes de travail ?
C’est pour cela qu’autour de la table, aux côtés d’Ariel, il y a Aurélien Denaes, qui représentera ce soir le co-working, Stéphane Veyer co-associé de Coopaname, et une représentante d’un grand groupe, Orange Nathalie Brugeas.
Nous vous proposons de découper ce débat en 3 parties qui correspondent aux grands sujets qui sont dans cet entretien. Ariel nous synthétisera la pensée de Stiegler (autant que faire se peut) et en fin de chaque partie, chacun interviendra pour parler de sa propre expérience.
1ere partie l’automatisation du travail et l’automatisation des esprits.
Sera évoquée la question du numérique avec la robotisation et la big data. Et comment on peut passer de l’emploi au travail pour imaginer un nouveau modèle économique dont le salariat ne serait plus le cœur.
L’emploi prolétarisé où l’humain n’est plus qu’une marionnette contre la logique des logiciels libres.
Comment passer de cette prolétarisation à l’individuation, à la singularité.
Allusion aux luddites qui se sont révoltés au 19eme siècle contre ceux qui voulaient leur imposer des machines et leur retiraient leur savoir-faire d’artisan.
Oui à l’automatisation mais sans alimenter l’incurie
Quand l’automatisation, grâce à cette transformation numérique, supprime des emplois pour les donner à des robots et que ces robots remplacent des emplois de mineurs de fonds pour créer des postes d’ingénieur ou de développeur informatique, c’est plutôt une bonne nouvelle.
2eme partie
Contre une économie de l’incurie, vers une économie contributive
Ici Stiegler décrit ce qu‘est une économie de l’incurie et ce que pourrait être une économie contributive.
L’incurieux c’est celui ne prend pas soin.
L’économie de l’incurie c’est ce qui repose sur la destruction systématique du soin
La calamiteuse extrémisation du consumérisme.
Et 3eme partie, ce seront les solutions.
– Le revenu contributif
– Le modèle finlandais : Utopie pour certains, révolution sociétale pour les autres, l’idée d’instaurer un revenu de base, versé à tous les citoyens sans contrepartie ne laisse personne indifférent. En Finlande , elle pourrait bientôt devenir une réalité. Le nouveau gouvernement de centre droit envisage de verser un revenu de base compris entre 850 et 1.000 euros mensuels. De quoi vivre modestement. Mais ce soutien financier massif a un coût. Pas question pour le gouvernement finlandais de payer cette dépense en faisant gonfler le déficit public. L’Etat entend supprimer parallèlement toutes les autres aides sociales , y compris les retraites. Les citoyens seraient ainsi libres soit de se contenter de ce revenu, soit de le compléter en travaillant.
– Transformer le pouvoir d’achat en savoir d’achat
– Commons / les communs
– Logiciels libres
– Expérimenter en France d’autres modèles avec des territoires volontaires.
Supplément lexique Stiegler :
Pharmakon : En Grèce ancienne, le terme de pharmakon désigne à la fois le remède, le poison, et le bouc-émissaire. Tout objet technique est pharmacologique : il est à la fois poison et remède.
En savoir plus : http://arsindustrialis.org/pharmakon
Pharmakon.fr école de philosophie
Depuis Bernard Stiegler, l’organologie générale désigne un paradigme philosophique pour l’analyse des logiques d’évolutions et des crises d’une société humaine par la relation et les désajustements existants entre trois types d’organes: psychophysiologiques, sociaux et artificiels.
Endosomatique ( à l’intérieur du corps )(psychosomatique)
Organe exosomatique (organe artificiel, en-dehors du corps)
Organogénèse :
définition scientifique : formation des organes au sein d’un être vivant en développement. Ici l’organogénèse de Stiegler combine la génèse du corps humain (et au-delà le corps social) et la génèse des organes techniques, sociaux et psychophysiologiques. (Stiegler défend l’idée que nous vivons une époque où il y a co-évolution des organes exosomatiques non plus avec le corps biologique mais avec le corps social).
Merci infiniment à Ariel Kyrou d’avoir accepté de venir débattre de ce petit livre avec nous et un grand merci à nos invités et au public.