Murakami au château des merveilles, épisode 1 par Emmanuel Mahé

 

 

feuilleton-critique en 7 épisodes sur l’exposition de Murakami au Château de versailles. En épilogue decalab vous proposera : « Murakami: une tool box à innovation ? »

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Pas de télé, pas de radio, ni presse : j’ai méthodiquement évité tous les articles, sujets, reportages et commentaires sur l’exposition en cours du japonais Murakami au Château de Versailles.Pas si simple de se couper des réseaux pervasifs des actualités et des rumeurs, surtout lorsqu’une exposition comme celle-ci suscite autant de débats et de controverses ! J’y reviendrai dans un prochain post. En attendant, concentrons-nous sur les oeuvres exposées en écartant les discours qu’elles suscitent (parfois à raison, souvent à tort). Il est en effet parfois utile d’être un peu en retrait, dans un léger coma qui ne vous soustrait pas du monde bruissant mais au contraire l’amplifie, un peu comme les énormes têtes enflées des Mr Tod (ces autoportraits de Murakami). La veille n’est jamais très loin du temps du sommeil, la frontière est floue entre ces deux états. Après coup, je me rends compte que cette phase intermédiaire se prêtait bien à cette exposition.

J’ai ainsi pu aller découvrir l’expo lundi dernier (13 avril) dans le meilleur esprit qu’on puisse être lorsqu’on découvre un artiste : on s’attend à rien (c’est-à-dire à tout) puisque je savais que j’en avais une vision caricaturale : kitsch, néo-pop, provocateur… Débarrassé de mes préjugés parce que je les reconnaissais comme tels, j’ai pu partir à la découverte de cette exposition en me laissant flotter comme une méduse au gré des flux et des courants, de salles dorées en galerie des glaces (et pour finir la soirée dans une grotte Romane, l’Orangerie).

J’ai découvert une oeuvre monochrome, sobre à l’extrême, presque minimaliste, angoissée aussi (pas nécessairement angoissante). Murakami n’est pas un joyeux. Vous devez penser que je me trompe d’exposition ou que j’étais décidément trop endormi…Il s’agit pourtant bien de l’oeuvre de Murakami et mon état intermédiaire de veilleur passif, semi éveillé, se prêtait à merveille pour y rencontrer Alice. Et le chat.

Murakami : « Je suis le chat du Cheshire qui accueille Alice au pays des merveilles avec son sourire diabolique, et bavarde pendant qu’elle se balade autour du Château. D’un sourire enjoué, je vous invite tous à découvrir le pays des merveilles de Versailles. » (1)

On comprend bien que Murakami puisse s’entretenir avec Alice dans les jardins (un peu comme un occidental peut croire entrer dans un manga en se promenant à Tokyo). Mais comment fait-il pour créer un monde aussi chatoyant (c’est le cas de le dire) peuplé de rires et de grimaces alors qu’en réalité son oeuvre est austère et inquiétante ? C’est l’anti-Koons.(2) Ce dernier est pris dans une mythologie qui ne lui appartient pas, c’est-à-dire notre mythologie contemporaine avec ses « icônes » et ses objets. Murakami en invente une. Il crée une fiction. Il nous « fictionnalise », c’est-à-dire qu’il nous fait rendre compte que nous participons tous à une fiction bien réelle, celle que nous vivons chaque jour. La fiction comprise dans ce sens nous permet de créer une relation particulière et distanciée à tout ce qui fait « notre » société actuelle, de la comprendre de manière un peu décalée.

(à suivre)

Notes :

(1) Citation extraite du site web de l’exposition (cf le lien ci-dessous)

(2) Jeff Koons a exposé dans les mêmes lieux en 2008. Il a été suivi par Xavier Veilhan en 2010.

Informations et liens :

Exposition de Takashi Murakami au château de Versailles, du 14 septembre au 12 décembre 2010, Grands Appartements et Galerie des Glaces, inclus dans le parcours de visite. Toutes les informations pratiques : http://www.chateauversailles.fr/homepage

Le site web de Murakami : http://www.takashimurakami.com/

La page wikipedia sur Murakami :http://fr.wikipedia.org/wiki/Takashi_Murakami