le Louvre-Lens, un Musée du 21eme siècle ?

Nous avions vu avec Emmanuel Mahé, le Musée en chantier chaussés de bottes,
munis de casques…Les espaces étaient impressionnants et porteurs d’une vraie singularité et de projets d’un musée contemporain, ouvert à tous.

Nous revoilà juste avant l’ouverture au public prévue le 12 décembre pour une visite des lieux.

Le pari est-il réussi ? avant l’arrivée des publics, on ne peut le dire réellement mais nous sommes bien dans un Musée du 21eme siècle.

L’architecture est un écrin. Un corps de 5 bâtiments qui est pour le directeur du Louvre la transcription du Palais du Louvre dont les 5 ailes auraient été étirées et pour les architectes Kazuyo Sejima et Ryue Nishizawa de l’agence Sanaa, simplement des barques sur un fleuve.

Les bâtiments sont recouverts d’aluminium et le ciel et la terre sont ainsi reflétés dans un paysage chargé d’histoire.

Car ce qui est remarquable, c’est la place donnée à ce territoire où l’empreinte du puits de mine est encore vivante, les terrils encore présents, et les cavaliers, ces passages pour les wagonnets, retracés dans ce jardin de Catherine Mosbach. Jardin pas encore tout à fait visible car encore en chantier mais on peut déjà voir les couleurs de l’herbe, de la terre et du gris des terrils se mêler et dessiner un paysage. Un jardin qui sera ouvert à tous même aux non pratiquants de la culture et qui les ménera peut-être à cette pratique, puisque le musée se veut bien un musée pour tous.

A l’intérieur du bâtiment, la scénographie d’Adrien Gardère pour la galerie du temps est remarquable. La Galerie du Temps est le lieu d’exposition des collections permanentes du Musée. En rupture avec la structuration en départements, la galerie présente les oeuvres dans une salle immense où les œuvres cohabitent et dialoguent entre matériaux, techniques…seule une échelle du temps est visible sur le côté pour nous dire où nous sommes…on peut choisir ainsi de vagabonder librement, selon les techniques, selon les périodes…

Le guide Multimédia développé avec Orange est une vraie réussite déjà dans son interface qui permet une immersion 3D dans cette galerie.

Quand on arrive physiquement dans la galerie, on se retrouve un peu en hauteur pour avoir une vue plongeante sur toutes ces œuvres, c’est d’ailleurs un vrai choc et une vraie émotion.

Les œuvres sont visibles, et le regard peut se perdre entre antiquités étrusques et tableaux du XVII comme la magnifique La Madeleine à la veilleuse de Georges de La tour.

Le guide permet à partir du moment où l’on a plongé dans la salle de retrouver cette impression de survoler les œuvres. Il ne vient jamais à la place mais permet de compléter la visite de manière fine : comme ces leçons d’histoire de l’art vidéos où un simple trait blanc se dessine au fur et à mesure autour de  l’œuvre suivant les explications du conservateur. Parcours thématique ou par œuvre, le guide n’est pas géolocalisé mais au contraire permet au visiteur de se guider avec la modélisation réelle de l’espace  très facile à manipuler.

Le guide permet aussi de sélectionner ses œuvres préférées et de les retrouver après la visite sur son espace personnel puis de les partager, c’est la moindre des choses au 21eme siècle !

 

Un musée du 21eme siècle, c’est le mariage réussi d’une médiation humaine et numérique et non pas le numérique aux dépens de l’art comme le pense encore trop de monde.

C’est ce que nous démontre le centre de Ressources dirigé par Anne Lamalle dont le travail et la passion sont admirables.

Des digitables (tables numériques) pour apprendre, un mur transparent donnant sur les coulisses du Musée et permettant d’avoir aussi, via des interfaces numériques sur le mur-même, des informations sur les œuvres des réserves.

Au départ dans l’élaboration du projet, ce projet était un mur totalement transparent d’un seul tenant (plus de 30m de long) avec la possibilité d’aller chercher les œuvres avec un geste, de manipuler les objets virtuellement… mais le pari technologique n’a pas pu être tenu…

Les bases d’une réelle innovation muséale grâce au numérique sont néanmoins bien là. L’intelligence du Louvre-Lens, c’est de n’avoir pas cherché à remplacer l’humain par le numérique mais de faire coexister les 2 dans un véritable dialogue. Le numérique se fait discret. Simples interfaces horizontales et verticales qui ne viennent pas polluer nos déplacements mais habiller d’informations les espaces.

Et dans un an et demi, on devrait pouvoir se promener dans une nécropole étrusque grâce à la salle immersion 3D …

Cette médiation humaine et numérique est un enjeu pour le musée notamment pour drainer de nouveaux publics plus jeunes.

Car grâce aux nouvelles consoles Nintendo distribuées dans le musée du Louvre à Paris, l’audience des guides a doublé.

Le Louvre-Lens dont l’architecture a été conçue spécialement pour la visite, ce qui n’est pas le cas des anciens Palais du Louvre, est aussi un formidable laboratoire pour continuer à penser et créer le musée de demain.

A voir en ce moment :

 Bien sûr la galerie du Temps (la Grande Galerie, collections permanentes)

Mais aussi une exposition temporaire sur la Renaissance,  dans la galerie des expositions temporaires

Dans le pavillon de verre,lieu d’approfondissement de la thématique du temps,  on peut voir 2 belles œuvres d’art numérique sur  la perception du temps .

Une installation interactive d’Olga Kisseleva et Sylvain Rénal : « le temps à l’œuvre » (It’s time).

Cette œuvre nous parle de notre perception moderne du temps et de cette sensation (réalité) d’une accélération du temps partagée par le collectif. L’installation est composée d’une grande horloge digitale, qui couvre un des murs de la salle, et d’une série de capteurs qui mesurent les pulsions cardiaques des visiteurs. Les données sont ensuite transmises à l’ordinateur qui les convertit en information, ce qui permet ensuite de corriger, en temps réel, le temps affiché par l’horloge.

Ce sont nous visiteurs qui modifions le cours du temps et il va très vite…

2 tableaux numériques de  Jana Sterbak : « Saisons ». De véritables tableaux vivants qui renvoient à un cycle de 6 tableaux peints par Brueghel en 1565. On y voit des hommes qui se livrent à leurs activités saisonnières dans des paysages panoramiques.